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ILE DE RE - SAINT-CLEMENT DES BALEINES - LES GRAFFITI DE LA TOUR VAUBAN

ILE DE RE - SAINT-CLEMENT DES BALEINES

LA POINTE DES BALEINES

Les Monuments du site

Dès le XVIIe siècle, le site de la pointe des Baleines attira le regard des autorités royales et républicaines, par sa position géographique mais également par sa position stratégique maritime.

Aujourd’hui, ce site particulier de notre région, hautement chargé d’histoire a traversé vents et marées et nous fait partager les tourments qui furent les siens jusqu’au XXe siècle, avec l’occupation allemande du lieu. Pour ces derniers, il constituait toujours un point stratégique de l’échiquier militaire nazi, sur le mur de l’Atlantique.

Si l’ensemble architectural de la Tour Vauban fut l’œuvre des ingénieurs du XVIIe siècle, le XIXe siècle fera édifier le phare actuel ainsi que les bâtiments annexes.

Plus tard au XXe siècle, l’organisation Todt, implantera un nouveau genre de transmission des informations, aux navires de guerre. La vieille tour deviendra une station radar de la plus haute importance pour l’armée allemande, au cours de l’occupation entre 1939 et 1945.

La pointe des Baleines et son emplacement sont devenus de nos jours un lieu touristique très fréquenté. Plusieurs centres attractifs se concentrent autour de la vieille tour et du phare. Le musée, aménagé dans l’ancienne école des gardiens de phare, la boutique, et l’énorme blockhaus, derniers vestiges historiques, méritent que l’on s’attarde un instant au gré de la promenade qui guide immanquablement nos pas vers le promontoire et la vue sur l’immensité de l’océan.

La Tour des Baleines ou Tour Vauban

C’est sur proposition de l’Intendant de la Marine du Ponant à Rochefort, Charles Colbert du Terron, cousin germain de Colbert, que le 10 mars 1669, le ministre de Louis XIV ordonne la construction de la tour fanal « au cap du bout du monde en l’Isle de Ré ».

Le 29 juillet 1680, sont transmis à Colbert, les plans du Sieur Augier, architecte de son état, par le nouvel intendant de la marine, Demuin. L’année suivante, par décision royale, en date du 12 septembre 1681 est ordonnée la construction de la Tour des Baleines.

La pierre nécessaire à son édification sera acheminée par voie maritime, depuis les carrières de Saint-Savinien situées sur le continent, Tout l’extérieur est en assise régulière de carreaux et boutisses tirés des gisements de ce lieu d’extraction. Elle s’élève de 70 pieds (environ 21m), au-dessus du sol. Sa base, circulaire est ancrée sur le rocher. Le lit de la fondation repose à 10 pieds de profondeur, sur le sol géologique. Le diamètre extérieur de cette assise, est de 30 pieds. L’épaisseur du mur d’enceinte constituant la fondation, est de 10 pieds. Elle se dresse sur autant de haut et cela jusqu’au niveau du sol. A partir de ce niveau, son épaisseur se réduit à huit pieds.

C'est une tour qui comporte 3 étages, avec 3 pièces auxquelles on peut accéder par un escalier à vis qui mène à la plateforme soutenue par des consoles ouvragées. Six fenestraux, éclairent à intervalles réguliers, les degrés de la cage en colimaçon, lors de l’ascension. Le fanal installé au sommet de la tour avait pour rôle de servir de reconnaissance aux navigateurs qui s’aventuraient dans le pertuis d’Antioche. Au pied de la tour, fut édifié un bâtiment, vaste magasin servant de réserve à charbon, devant couvrir les besoins de deux années, soit 1700 quintaux.

L’intérieur de cette tour se développait sur plusieurs niveaux. Le rez-de-chaussée, est une salle voûtée et circulaire. Ce choix souhaité par l’architecte, permet de répartir la charge des étages supérieurs et renforce ainsi la solidité de l’ouvrage. De nos jours, elle est percée de trois passage ou portes et d’une fenêtre. La porte d’entrée permet de pénétrer dans ce qui fut l’ancienne salle de garde. La grille en fer forgée donne accès à l’escalier de la tour menant aux étages. L’ouverture contemporaine, ouverte en 2008, sert de sas pour visiter le musée. A son origine, cette salle servait de dépôt ou l’on entreposait les huiles qui étaient brulées dans les lampes de la lanterne.

Le premier étage correspond à l’ancien logement de l’un des gardiens de la tour. Il possède une imposante cheminée et une large baie ouverte sur l’océan, éclaire cette pièce. Le sol de cette chambre est se positionne sur la voûte du rez-de-chaussée. Un pavage circulaire, constitué de blocs calcaire parfaitement équarris et jointés, dessine un labyrinthe imaginaire. Il apporte un peu d’élégance et de légèreté dans ce décor austère, balayé par la froidure du vent.

Le second étage possède un plancher et un plafond en bois de chêne. Une fenêtre, identique à celle du premier étage, apporte un éclairage suffisant.

Le troisième et dernier étage, a le sol recouvert d’un plancher qui repose sur les poutres du plafond du deuxième étage. Ces boiseries sont en chêne. Cette pièce est voûtée pour des raisons d’ordre technique, de répartition des charges. Elle supporte la plateforme où se positionne la lanterne.

La plateforme assise sur sa couronne de consoles est pourvue d’un parapet en pierres taillées qui embellissent la silhouette ascétique du monument. Une lanterne sera construite à cet endroit, afin de guider les navires se rendant sur La Rochelle.

La lanterne.

La lanterne est dès l’origine construite en pierres de taille, comme la tour. La première description qui nous est connue a été faite par le chevalier Isle en 1777. Vauban proposa en 1692 que les feux des Baleines fonctionnent avec le charbon de terre. Ce combustible acheminé depuis l’Irlande ou l’Angleterre était débarqué aux ports de Saint-Martin ou de La Flotte puis transporté en barques jusqu’au havre d’Ars. Ensuite des charrettes tirées par des chevaux véhiculaient le charbon jusqu’au magasin des Baleines. Mais son projet se heurtait à la largeur des trumeaux qui étaient un obstacle à la diffusion de la lumière. Decombe et Vaudin quant à eux, préféraient de petites lampes à huile posées contre les vitres de la lanterne. Le projet sera refusé. Finalement le projet au charbon fut accepté en 1734.

La lanterne, de plan octogonal, reçut des fers forgés en Périgord et en Angoumois, par Laurent. Le fourneau entrera en action le 31 juillet 1736.

En 1777, il sera décidé de transformer la lanterne en fanal à réverbère d’après le procédé de Teulère et Sangrain, puis de supprimer le réchaud alimenté au charbon. La nouvelle lanterne verra ses lampes munies d’un miroir sphérique de cuivre argenté qui diffusait la lumière des porte-mèches d’une même lampe à huile. Ce carburant constitué d’un savant mélange d’huile de baleines, d’olive et de colza était entreposé au rez-de-chaussée et dans les étages de la tour. Il était conservé dans des réservoirs doublés de plomb et devait reposer pour s’éclaircir afin d’obtenir son meilleur rendement.

Du 04 juillet 1811 au 31 mai 1814 le fanal des Baleines restera éteint faute d’entretien. L’édifice et le site lui-même sont menacés dans leur ensemble. Déjà au cours de la Révolution le dôme menaçait de rompre, la base de la tour est minée par la mer car la digue est ruinée. Ce n’est qu’en 1819 que des travaux importants seront réalisés par l’ingénieur en chef des travaux maritimes à La Rochelle, Lescure-Bellerive. Le 1er avril 1820, un nouveau fanal brillera à Saint-Clément des Baleines et cela jusqu’à la construction du nouveau phare en 1854. La lanterne de Lescure-Bellerive, sera visible sur le sommet de la tour Vauban, jusqu’en 1907.

Le Chantier de la Tour

Approvisionnement et desserte du chantier

La tour nécessitera pour sa construction une main d’œuvre importante. Il faudra en priorité régler le problème du choix des matériaux, pour la construction de l’ouvrage militaire. Puis ensuite pourvoir à l’acheminement sur le chantier et donc envisager de bâtir une chaussée pour palier aux risques d’embourbement. Le transport par charroi joua un rôle essentiel dans la livraison des blocs de pierre. Les chargements tirés par des bœufs ne pouvaient excéder 1500kg par joug, sur une distance de 15km/jour, aller et retour. Le relief de l’ile, peu accidenté, favorisa ce type de transport, mais son sol mouvant devait au préalable être préparé pour supporter les charges que l’on allait transporter d’où la nécessité de construire une chaussée jusqu’au chantier de la tour.

Une fois le sol préparé par les terrassiers, interviendront à leur tour les tailleurs de pierre et les maçons. Puis lorsque les murs s’élèveront, ce sont les charpentiers qui assembleront les bois d’échafaudage pour dresser toujours plus haut le cylindre de la tour. A intervalles réguliers, on aperçoit certaines pierres au calibrage identique qui recevaient vraisemblablement l’échafaud adhérent à la construction. Cette architecture de bois était retirée lorsque la construction était achevée.

Pour lier les matériaux, les fours à chaux de l’ile produisaient la quantité de chaux nécessaire à la construction et alimentaient régulièrement le site. Ces fours verticaux étaient reconnaissables à leur conduit conique. Attestés depuis le XVIIe siècle à Ré, ils étaient alimentés par les fragments de roche directement prélevés dans la falaise où sur les bancs rocailleux émergeant près de la côte. La chaux ne s’utilisait pas que dans le bâtiment car les vignerons l’utilisaient dans le traitement de la vigne. Les habitants protégeaient également des embruns, les murs de leurs habitations par un lait de chaux. Le seul souvenir de cette fabrication, se conserve à La Couarde, où l’on peut admirer l’unique four à chaux de l’ile.

Ouvriers et résidents de la Tour

Le logement des ouvriers se situait à proximité du chantier. Ce lieu de travail où s’organisaient les tâches et où se distribuaient les consignes, servait au dépôt des outils. Il était également un refuge en cas d’intempéries. Il est probable que ce local fut un bâtiment en bois au commencement du chantier. Une certaine catégorie de ces ouvriers spécialisés était issue des corporations du compagnonnage. Durant leur ouvrage ces hommes marquèrent les blocs de pierre de marques de tacherons mais aussi de signes plus élaborés, dont eux seuls connaissaient le secret. Compas, équerres, hache, figure géométriques, patronymes rappellent le souvenir de leur intervention en de multiples points du monument. Nous pensons que certains gardiens et soldats exécutèrent également les magnifiques représentations de navires et barques de pêche que l’on a recensés aux différents étages de la tour. Malheureusement, comme cela se produisait souvent, nous avons constaté une superposition de signes à différentes époques.

LES GRAFFITI DE LA TOUR VAUBAN AU PHARE DES BALEINES

Exécution des Graffiti

Les gravures recensées sur l’édifice de la tour et son annexe, le musée, se lisent comme un livre d’histoire, écrit par des anonymes sur la pierre calcaire de nos régions. Le calcaire est le matériau idéal, pour les métiers du bâtiment, carriers, tailleurs de pierre qui peuvent tracer, inscrire ou ciseler dans la roche, les marques qui caractérisent ou symbolisent leur appartenance à une corporation, un, rite ou un état d’âme.

La Tour Vauban, tout au long de son histoire et dès l’origine de sa construction, servit de tableau sur lequel de nombreux artistes plus ou moins adroits, s’exercèrent à reproduire des images de leur temps. Ces dessins nous racontent, la construction de la tour, la marine à voile et ses superbes navires, mais aussi à travers ces dessins, se devinent les longues journées de solitude, la surveillance du littoral, leur envie d’évasion, leurs rencontres et leurs visions d’un monde inabordable, reconnu sur les flots.

Les graffiti pour quelques uns, sont d’une grande finesse. Il se perçoit une grande délicatesse dans le développé du tracé. Certains artistes ont fait preuve d’une maitrise du trait qui se manifeste dans la régularité des traits. Il règne sur ces œuvres délicates, un équilibre des proportions, une harmonie générale du motif et une constance dans la profondeur de la gravure. Il est regrettable que les surcharges postérieures soient venues dégrader les images gravées par les premiers artistes.

Dès l’époque de sa construction, la tour devint un support de choix pour ces hommes qui ne savaient souvent ni lire ni écrire, mais qui possédaient pour les compagnons, la science du trait qui leur avait été inculquée durant leur long apprentissage. Pour l’autre catégorie, les gardiens de la tour et les soldats, la précision et la qualité des gravures dépendait de leur dextérité ou de leur don à reproduire les sujets qu’ils apercevaient.

Il est un indice majeur qui a prévalu sur le choix de l’emplacement des gravures, c’est la lumière ou la luminosité ambiante. A l’extérieur, bien qu’en petit nombre, les motifs retrouvés sont orientés au soleil levant ou au nord-est. Deux ou trois se positionnent approximativement au nord. Pour les graffiti étudiés à l’intérieur de la tour, tous sans exception sont concentrés près des sources d’éclairage. Bien que n’ayons relevé aucun graffiti dans l’escalier, la lumière était suffisante, pour illuminer les piédroits de l’ouverture des portes. Les linteaux, orientés face à la clarté des fenêtres ont reçu des motifs dont peu ont conservé leur netteté. Les artistes se sont principalement focalisés sur les encadrements des larges baies et des pans de murs les encadrant immédiatement. Enfin pour conclure notre propos, nous avons relevé sur les linteaux de cheminées des traces très estompées de gravures.

Un livre de pierre

La lecture d’un lieu s’apprivoise. Il faut laisser au regard un temps d’adaptation à la luminosité ambiante quelle qu’elle soit. Au bout de quelques instants la vue s’habitue à celle-ci puis l’on peut commencer à fouiller la pierre à la recherche des images qui se cachent sous la mince pellicule de poussière qui ne manque pas de recouvrir la roche. Il faut prendre son temps, scruter minutieusement le grain de la pierre et enfin des contours, des formes, des silhouettes, des courbes, puis les images, plus nettes, dévoilent enfin le motif dessiné. Pas besoin de loupe, une fois le regard aiguisé, la lecture devient sinon aisée, beaucoup plus simple. Les images qui apparaissent ne sont pas toujours anodines. Elles sont la mémoire d’un passé révolu, certes, mais ô combien enrichissant sur l’histoire de notre passé.

Les graffiti de la Tour Vauban s’inscrivent dans un cadre géographique, historique et social des époques traversées. De l’époque de sa construction jusqu’à la guerre de 1939-1945, les gravures murales qui ornent la tour et les bâtiments annexes, sont les témoignages émouvants des observateurs anonymes des siècles qui nous ont précédés.

Les marques, signes, inscriptions et autres décors de la Tour des Baleines

L’interprétation des différentes œuvres recensées trouvent le plus souvent sa compréhension dans la silhouette du motif dessiné. Cela devient plus compliqué, lorsque nous sommes confrontés à des lignes ou des marques gravées dans un but religieux, professionnel ou symbolique. Souvent la question ne se posera pas, l’image est assez « parlante » pour reconnaitre la nature du dessin. Mais lorsque nous approchons les gens du compagnonnage ou encore les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle en d’autres lieux, l’approche est quelque peu différente. Nous ne sommes plus en présence de marques quelconques qui représentent une vision, une chose, une illustration ou la réalité d’un instant, mais devant un langage avec ses codes, sa signification propre, uniquement compréhensible et à l’usage de celui auquel il s’adresse.

A saint-Clément des Baleines, la Tour Vauban est à considérer avec le même intérêt qu’un manuscrit ancien. C’est un mémoire inestimable que nous ont laissé ici, gravé dans la pierre, ses constructeurs et ses résidents.

Parmi les gravures inventoriées, se distinguent les motifs d’inspirations suivants : - Les signes lapidaires du compagnonnage - Les marques de positionnement ou de placement, d’assemblage ou d’appareillage, de comptage des blocs ou salaire, les outils, - Les décors géométriques, tracés d’épures, - Les signes de reconnaissance, - Blasons, initiales de maitres ou noms de compagnons, déclinaison de la loge.

- Les gravures à caractère militaire - Les bateaux, pavillons, voilures, matures, échelles de cordes, canons, - Le cavalier, - Noms de soldats allemands, - Les personnages.

- Lettrines et inscriptions, - Lettrines, initiales, - Patronymes. - Symboles chrétiens, - Les croix, - Ancre christianisée et fleurdelisée, - Cœur vendéen. - Datations, - Dates des XVII, XVIIIe XIXe et XXe siècles, - Chiffres. - Les décors animaliers, - Un oiseau, cheval. - Personnages divers, - Silhouette sur un bateau, - Visages divers.

La Gravure

Gravées, griffées ou incrustées profondément, les graffiti sont le fait de deux catégories d’artistes. Les premiers sont issus des métiers nobles du bâtiment, les carriers, les tailleurs de pierre, les maçons, les charpentiers, etc. Les seconds sont les citoyens ordinaires, qui n’appartiennent pas à ces corporations mais qui possèdent un don pour le dessin et la gravure. Ils sont les plus nombreux et leurs reproductions sont souvent naïves, succinctes ou stylisées. Dans les rangs du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, certains jacquets ont révélé des dons de graveurs exceptionnels. La Haute Saintonge possède un nombre très important de lieux jacquaires ou s’affichent des frises de pèlerins magnifiques. Ces sites sont également des lieux visités par le compagnonnage ou ces derniers ont exprimés sur les murs tout leur savoir faire. Pons, Avy, Biron, Echebrune, Germignac, Moings, Marignac, Bougneau, Clion, Saintes, Le Douhet, Brouage, Saint-Martin de Ré, Saint-Clément des Baleines et sa tour, sont les hauts-lieux de la culture glyptographique en Charente-Maritime.

Les outils de gravure

Comme nous l’avons souligné, deux catégories de graveurs se distinguent par les motifs. La première, issue du compagnonnage et la seconde appartenant au commun des mortels, n’ayant pas l’habilité professionnelle des précédents.

Pour les compagnons, la gravure sera exécutée à l’aide des outils qui l’accompagne dans sa quête de la maitrise et la perfection de son métier. Les graffiti qu’ils tracèrent jadis sur la roche ont été accomplis à l’aide du compas. Les figures géométriques issues du cercle conservent encore le trou de la pointe métallique de cet outil. Au moyen de celui-ci, ils nous laissèrent des images inspirées de la quadrature du cercle, dévoilant des cercles, arcs de cercles, rosaces, etc. A l’aide de la pointerolle, ils pouvaient se permettre de tracer tous les sujets qu’ils souhaitaient reproduire. Plans et épures couvrent encore de nos jours un grand nombre de murs ou le sol de nos monuments. Souvent l’on retrouve dans les chambres de traits, des plans réalisés par le maitre compagnon à l’aide des outils fondamentaux, l’équerre, le compas, la règle, le fil à plomb. Tailleurs de pierre, charpentiers, menuisiers ainsi que nombre d’autres corporations du compagnonnage nous ont laissé de beaux témoignages de leur savoir sur nos édifices anciens.

Pour les artistes d’un jour, les outils sont ceux qu’ils possèdent au moment ou il décide de produire son dessin. Il va utiliser son coutelas, un morceau de métal, un clou, bref ce qui lui tombe sous la main à ce moment là. Si notre intervenant, appartient à un corps militaire, il va se servir d’une arme qu’il porte avec lui. La baïonnette et le poignard conviennent parfaitement comme nous l’avons constaté sur la tour pour percuter le métal ou creuser la rocher calcaire. Les soldats de l’armée allemande ont pratiqué de cette manière pour ciseler leur nom sur la plateforme de la Tour Vauban. Il est probable également que dès le XVIIe siècle, les soldats en garnisons à la tour, tuèrent le temps en traçant les silhouettes de bateaux aperçut au large. Les gardiens de la Tour des Baleines participèrent vraisemblablement à l’écriture de cette page de l’histoire du site. Pour les mêmes raisons que les gardes côtes, ils puisèrent leur inspiration sur les navires qui empruntaient le pertuis Breton.

La Datation

Une grande prudence s’impose sur une hypothèse de datation des graffiti en dehors des cas ou aucun doute n’est possible si une date précise est associée à une figure. Lorsque cela ne peut être déterminé avec certitude, la datation ne peut être qu’approximative. Seule une observation détaillée des motifs, ainsi qu’une recherche bibliographique appropriée, permettront à ce moment là de déceler des informations permettant de rattacher le dessin à telle ou telle période historique. Cette procédure est employée pour les œuvres maritimes, les vêtements de personnages, les pièces d’armement, que l’on peut effectivement dater d’après des sources iconographiques. La paléographie des inscriptions, souvent difficiles à déchiffrer, relèvent de la compétence des épigraphistes. Celles de la Tour Vauban n’échappent pas à la règle. Il est possible malgré tout de décrypter certaines légendes sur quelques uns des blocs les portant.

Les Enfants de Salomon

Le marché pour la construction de la Tour des Baleines qui fut passé le 23 Avril 1669, « ….par devant pierre Toulon, notaire royal à La Rochelle entre Messire Charles Colbert seigneur de Terron, conseiller du Roi, intendant général de la Marine de ponant et dans les gouvernement de La Rochelle, Brouage et Isles adjacentes, faisant et au nom de Sa Majesté d’une part et Morice Coulom architecte et entrepreneur en ceste ville d’autre part… », nous apporte des informations sur l’homme qui dirigea le chantier de la Tour.

A la fois architecte et entrepreneur, le sieur Morice Coulom appartenait vraisemblablement à ces « Bâtisseurs » formés dans les rangs du compagnonnage. La Rochelle, ville ouverte, accueillait tous les métiers des trois rites compagnonniques et constituait un foyer de main d’œuvre inépuisable. Connaissant l’Orient et le Trait, Morice Coulom était la pièce essentielle pour la maitrise d’un tel chantier. Les hommes travaillant pour lui, ne pouvaient qu’appartenir à ces corporations de métiers issus du compagnonnage et dépendaient de la même observance que leur « Maître ».

Les graffiti de la Tout Vauban se focalisent sur deux thèmes principaux. Le premier d’ordre professionnel nous a été transmis par les tailleurs de pierre, le second est en relation étroite avec la mer et ses serviteurs, gardiens, marins ou soldats chargés de la surveillance des côtes. Résidents sur place, ils nous ont donc laissés des gravures qui vont donc se concentrer sur la tour et le bâtiment qui abrite de nos jours le musée. Ces gravures ont donné lieu à un inventaire méticuleux afin de valoriser et protéger ce patrimoine méconnu de notre histoire.

Le Musée

Les Murs Extérieurs

Peu de dessins nous sont parvenus. Le temps, les restaurations ont effacé progressivement les marques lapidaires qui avaient été gravées sur la roche. Seuls quelques motifs apparaissent au gré de certains éclairages sur la façade. Nous avons constaté que la lumière matinale ainsi que le crépuscule favorisaient la lecture des murs extérieurs. En journée, le soleil gène la recherche et les signes demeurent invisibles au regard sous la couche de peinture blanche.

Les graffiti découverts se positionnent aux angles du bâtiment. A gauche de l’entrée il nous semble reconnaitre un compas, une possible croix et deux traits parallèles surmontés d’une barre oblique. A droite, à 1,80m de hauteur, nous avons aperçu une figure géométrique, un cercle associé à divers traits, peut être un triangle. Sur le côté exposé au nord, un tracé en angle aigu, évoque un compas de grandes dimensions. Ce motif est gravé dans l’encadrement de la porte latérale du musée.

La Courette du Musée

Dans la courette intérieure formée par les toilettes et les salles d’exposition, nous avons retrouvé sur le mur extérieur de la tour plusieurs graffiti. Sur un bloc placé au niveau du sol, le prénom « RENE » ainsi que des tracés indéchiffrables. Sur le bloc suivant nous lisons les lettres « MN » et la date de 1689. A suivre, la lettre « M », une pointe de flèche orientée vers le sommet de la tour, puis « I.DNt: IxI ». Sous la date se lisent » PPLLUN ». Puis immédiatement sous ces lettres un groupe de lettre « NVNRAPE » sous lequel apparait le prénom « PIERRE ». A droite de celui-ci, une magnifique lettrine de la lettre R, déroule ses arabesques. Au-dessous, un nouveau groupe de lettres de facture compagnonnique, décline les Lettes « AUACU I ».

A un niveau plus élevé, le second bloc de la quatrième rangée est marqué des seules lettres « PI ». La troisième pierre de la quatrième rangée expose les lettres « BH », puis plus loin « IPRMB » suivies par « BID ». Entre le B et le I se voit un petit « 4 » tracé discrètement. Au-dessous se lit, le prénom « BERNARD N:T.P.». La dernière ligne indique un autre prénom écrit ainsi « iOSEPH.M » puis à suivre une date « 19:1731 » dont le chiffre trois incomplet pourrait être un « 2 ». Le quatrième bloc du même rang est une marque de tâcheron, trait long à la pointe droite formant un angle aigu.

Au neuvième rang le quatrième bloc, contient le chiffre « 17 », peut être une date incomplète, suivie deux cartouches profondément incrustés dans le calcaire qui contiennent les noms suivants de « IL » puis « DEVEHA » suivi de ce qui pourrait désigner le patronyme de « POT ». La dernière pierre que nous avons pu observer, sur le quatrième bloc de la onzième rangée renferme dans un cartouche le mot « IBA », pour lequel nous n’avons pas d’explication.

L’Extérieur de la Tour Vauban

La Porte d’Entrée

A proximité de la porte d’entrée de la Tour des Baleines, sur la gauche, plusieurs gravures occupent un espace qui s’étire entre le recoin du mur du musée et la tourelle d’escalier. Le bloc le plus remarquable, porte la date de 1722, ainsi que le nom d’une personne nommée « I.PETIT », peut être un soldat. Dans la partie inférieure deux lettres « AM » sont probablement les initiales d’un compagnon. Le « A » est formé de l’équerre et du compas. Nous croyons avoir également un petit sablier renversé.

Une autre pierre, proche de celle-ci semble porter le nom d’un certains « ROUDO ou m ». Nous ne pouvons être affirmatifs sur cette lecture car les lettres sont estompées.

Sur la droite de la porte, à hauteur des yeux, se distingue une ancre aux détails très intéressants. Cette amarre possède des particularités qui montrent la finesse du motif voulu par son auteur. La tige s’orne à son sommet d’une superbe fleur de lys dont le jas forme les feuilles, le mât descend ensuite dans le diamant qui développe ses bras sur les côtés. Peu avant de former le diamant, la tige devient une croix chrétienne du plus bel effet. Cette ancre est emplie d’un symbolisme religieux qui montre l’attachement de son créateur à sa foi et à Dieu mais également sa fidélité à son Roi. Sur un parement plus petit nous pensons encore deviner les lettres « FP ». Enfin pour terminer sur un autre bloc, nous avons aperçu une petite croix.

La roche calcaire fortement érodée à cet endroit par l’action de l’eau salée et du vent n’a livré aucun autre motif à notre expertise.

L’Intérieur de la Tour Vauban

Le Rez-de-Chaussée

La première destination de ce local fut d’ordre militaire. C’est en effet à cet endroit qu’on installa un groupe d’hommes faisant office de gardiens de phare. Ces premiers occupants furent vraisemblablement avec les compagnons les premiers artistes à qui nous devons la gravure de certains bateaux.

Une première batterie militaire aux Baleines, au XVIIe siècle

Destinée à guider la nuit, les vaisseaux marchands et militaires dans le pertuis Breton, la tour deviendra un poste d’observation essentiel dans le dispositif de surveillance des côtes pour la marine de guerre royale. En 1688, une garnison séjournera dans la salle du rez-de-chaussée, avec pour mission de scruter l’océan, afin d’y découvrir et signaler les navires ennemis durant la guerre de succession du Palatinat dite « Guerre de la Ligue de Augsbourg ».

Les gardes en faction communiquaient vers l’intérieur des terres avec ceux cantonnés en différents points élevés de l’île. La Tour des Baleines transmettait ses informations aux gardes du clocher d’Ars, selon un code établi, à l’aide de pavillons de tissus et de couleur différents, qui étaient accrochés au mât adossé contre la lanterne.

La Salle de Gardes

Les auteurs des graffiti ont concentré leur activité de gravure, en trois points particuliers de cette salle. Tous proches ou orientés vers la source de lumière qu’offraient l’ouverture de la porte et le jour de la baie vitrée, installée en face de celle-ci. Le corridor formé par l’épaisseur du mur de la tour a largement retenu l’attention des artistes.

La Porte d’Entrée

A droite de l’entrée une longue pierre, idéalement positionnée, a reçu à plusieurs époques d’innombrables traçages, qui malheureusement ont abîmés ou enlaidis des dessins qui devaient être superbes. Malgré l’enchevêtrement de traits nous sommes parvenus à retirer l’essentiel des gravures importantes qui figuraient sur le support.

Les vestiges de la silhouette très estompée d’un grand navire occupaient pratiquement la surface totale de la roche à une époque lointaine. De son tracé il ne nous reste que quelques fragments de la ligne de flottaison de la coque, des cordages, des échelles de cordes, deux pavillons, des éléments de la mâture et la poupe. Cette dernière mérite d’ailleurs une attention particulière car un graffiti semble évoquer les guerres de Vendée. Le tracé de la poupe a semble t-il été réutilisé pour servir de modèle au dessin d’un cœur vendéen, surmonté d’une croix et des lettres IHS. Bien que très alourdi par des surcharges postérieures il se devine encore aisément certains détails du motif. Accompagnant les éléments de ce vaisseau, nous avons relevé un grand nombre d’initiales de mots, de patronymes incomplets, effacés ou indéchiffrable. Une date unique, parfaitement bien conservée, indique l’année 1761. Par ailleurs, il subsiste des marques très abimées de tailleurs de pierre.

Derrière la porte, à gauche, un bloc est recouvert de lignes droites et de tracés divers qui s’apparentent à des mats et autres vergues, mais nous ne pouvons pas malheureusement, reconnaitre avec certitude ces données très endommagées.

La Baie

Plusieurs dessins, émanant de tailleurs de pierre, persistent sur la roche, bien que très estompés. La figure principale est un pentagramme dit encore sceau ou anneau de Salomon. Il couvre la pierre, posée à gauche de l’appui de la baie. C’est un signe de reconnaissance pour ceux qui possèdent la maitrise du trait. Un nom pourrait accompagner cette marque. Une figure géométrique, montre un rectangle traversé par ses diagonales. Enchevêtré dans celui-ci, une équerre forme un chiffre 4 inversé à droite. De l’autre côté, sur une pierre intérieure de la baie, deux traits parallèles sont tracés isolément. Sur la droite de cette ouverture, quelques graffiti dévoilent selon l’éclairage, une flèche orientée vers le haut, un arc de cercle et plusieurs lignes courbes en arc de cercle.

L’Entrée de la Cage d’Escalier

La pierre de la sixième rangée, positionnée à gauche du passage menant aux étages, porte un arc de cercle. Au-dessus, la pierre de la septième rangée, détient quelques marques appartenant également au compagnonnage. Nous y avons catalogué, une hache emmanchée, une équerre et un compas enchevêtré l’un à l’autre, tout proche, sur la droite les lettes »PM », un cercle pointé, un demi cercle accompagné des lettres ou des chiffres « VI », deux losanges unis par la pointe, formant sablier renversé et enfin une série de quatre « X » et trois « III », désignant le chiffre « 43 ».

La Cage d’Escalier

L’exploration de la cage d’escalier n’a livré aucune marque, gravure ou signe contrairement à nos espoirs. Les fenestraux, ouverts à intervalles réguliers, pouvaient laisser envisager que la clarté ambiante était propice à la créativité des artistes, mais il n’en fut rien. Nous ne pensons que les restaurations successives aient supprimé ces témoignages du passé, car nous avons observé quelques gravures effacées au niveau des portes des étages.

Le Premier Etage

Toutes les salles des étages possédaient leur cheminée, percée dans l’épaisseur du mur de la tour et des fenêtres ouvertes sur la mer d’un modèle identique. La pièce du premier niveau, circulaire comme les deux autres est la seule à être pourvue d’un pavage constitué de blocs calcaire parfaitement jointés. Le linteau intérieur de la porte d’accès fut un temps recouvert de graffiti qui ont disparus sous l’action du chemin de fer, au cours d’une restauration. La cheminée conserve malgré tout quelques tracés sans grand intérêt. Ils ne nous paraissent pas très anciens. Ce sont les lettres « KXK ». Peut être faut-il voir dans celles-ci une consonance allemande, mais nous ne pouvons en être certains.

La Fenêtre

Le centre de notre intérêt c’est surtout focaliser sur l’ouverture de la fenêtre. C’est ici que les gardiens du phare et les compagnons ont laissé libre cours à leur inspiration. De superbes figures recouvrent les pierres de la construction.

Dès la troisième rangée de pierres, alignées au-dessus du sol, se détache un bateau aux dimensions si imposantes qu’il empiète sur la roche de l’étage supérieur. Ce bloc de grande longueur est taillé à angle droit à l’une de ses extrémités. Il détaille la vue d’un navire marchand, à la voile triangulaire, portant pavillon déployé, sur le château avant. A toucher cette oriflamme deux caractères d’imprimerie montre les lettres « NI ». C’est un trois mâts, dont le plus haut porte un hunier au-dessus duquel se déploie un second pavillon. Entre ces deux détails se glisse la lettre « D ». Le mât de droite présente une moitié de voile dessinée.

La rangée du dessus, est un long bloc sur lequel est tracé sur la totalité de sa longueur un navire marchand à la proue parfaitement soulignée. Ce vaisseau porte plusieurs mâts et la coque est nettement précisée. Il n’y a pas trace de voilure. L’angle supérieur gauche à reçu vraisemblablement un nom qui se lit ainsi « ChALE BOLLAR » qui désigne probablement l’identité d’un compagnon, un dénommé « Charles Bollar ». A noter que la lettre A est formée du compas et de l’équerre. Le bloc suivant reçoit des éléments de mâture de la roche de dessous mais il est orné d’ondulations qui évoquent les vagues de la mer. Plusieurs lettrines, un « M » puis au-dessus « M:G », « C:K » et enfin le mot, semble t’il incomplet de « CHEQ » sont gravées sur la roche. Une date, très nette se détache de l’ensemble des gravures « 1740 » et nous renseigne ainsi sur une période d’occupation des locaux.

La cinquième rangée est celle qui est la plus décorée. La pierre posée dans le retour de l’ouverture entre le mur de la salle et l’accès à la fenêtre est marquée d’un graffiti compagnonnique. Une grande croix, dont la hampe traverse par son centre, le cercle tracé au-dessous. Ce cercle porte la marque de la pointe du compas. Peut être faut il voir dans cette représentation la symbolique du fil à plomb, du niveau et de l’équerre. C’est un signe pythagoricien.

La pierre située dans l’encadrement de la fenêtre, sur le même rang, est abondamment ornée. La première figure est un oiseau de grandes dimensions. On distingue aisément ses pattes et sa tête. Son plumage et sa queue sont dessinés avec finesse. Sur son dos, on lit « « IIML9 ». Ensuite un large trait courbe qui se divise en trois branches partage le bloc en deux parties. L’une des branches traverse le corps de l’oiseau. Sous cette ligne, plusieurs lettres « LI » et « PAMJ » sont nettement tracées. Le « A » du second mot est dû à un tailleur de pierre. Une modeste embarcation à la voile repliée sur le mat nage au bas du bloc. Au-dessus plusieurs initiales dont l’une est compagnonnique se lisent facilement « L-J », « M », « ACC », « P », « A » et deux autres « A » inscrites dans un compas et une équerre. Une croix chrétienne achève cette description.

Le dernier bloc de la rangée, porte un cavalier dont la cape s’envole au vent. Est-ce un mousquetaire du Roi, cela se pourrait ? Les rênes du cheval ainsi que sa morphologie sont très distinctes. Au bas de la pierre ont été tracées les initiales suivantes « PB » et « AN ». Le « N » est en position inversée. Nous n’avons recensé aucun autre graffiti à cet étage.

Le Pavage

Exécuté avec une grande élégance, la pose de ce sol constitué de blocs parfaitement équarris et jointés avec précision, montre un savoir faire associé à une grande expérience. Seul un homme du compagnonnage, tailleur de pierre de son état, était capable de poser sur un lit de sable, les éléments de pavage.

Sept anneaux concentriques, déroulent leurs circonvolutions autour d’une dalle centrale ajustée comme une bonde. Huit cercles de sept rangées de pierres, totalisant quatre vingt dix sept blocs de roche calcaire, plus son noyau central renferment toute la symbolique de la science sacrée des constructeurs. Ce compagnon a matérialisé au sol tout son savoir de la connaissance du trait. Quatre graffiti sont gravés sur ce dallage. Le premier est un chiffre « 4 ». A proximité et en dessous se trouve un trait vertical associé à une minuscule barre horizontale, est-ce une équerre, difficile à définir. Il est possible que ces marques renferment une signification compagnonnique si l’on considère le contexte général de la pose de ce pavage. Deux autres marques siègent sur le même bloc. Le plus imposant est le tracé d’un grand angle aigu. Le suivant plus modeste est une ligne droite traversant la pointe d’un petit angle aigu. Enfin à gauche de l’entrée se voit également le dessin d’un angle aigu de petite dimension associé à une flèche dont la queue est courbée.

Cet Enfant de Salomon a tracé dans une figure toute la complexité de la quadrature du cercle. Toute sa science de bâtisseur et son savoir faire son étalés au sol. Le point central du cône de fermeture détermine probablement l’axe géométrique et architectural de la tour. C’est le fil à plomb du constructeur, matérialisé à l’échelle réelle. Cette salle est vraisemblablement la chambre de Trait de notre tailleur de pierre.

Le Second Etage

Cette pièce a subi des transformations. A gauche de la salle, a été pratiquée il y a des lustres dans l’épaisseur du mur, une entaille pour permettre l’encastrement d’un lit et vu apparaitre à l’époque contemporaine, un lavabo. La salle est circulaire et le sol est constitué d’un plancher. La porte ouverte sur l’escalier à vis possède un linteau qui fut jadis recouvert de graffiti. Il est encore possible de lire, gravé dans le calcaire le prénom « PIERRE ». Les autres marques sont trop effacées pour les comprendre. Une forte concentration de signes et gravures diverses se rassemble sur les blocs du mur et les parois de la fenêtre de cette salle. Les tailleurs de pierre nous ont laissé un grand nombre de graffiti évoquant leur appartenance au rite de Salomon.

A l’angle du mur gauche, les premiers graffiti se rencontrent dès la cinquième rangée au-dessus du plancher. Le bloc formant l’arête de l’ouverture de la fenêtre porte les lettres « HE » et « FR » inscrites les unes sous les autres. Proche de l’encoignure, un safran de gouvernail de bateau. Au-dessus nous lisons « LA ». La lettre « A » représente l’équerre et le compas entrelacés. Nous ne pouvons exprimer un avis sur ces initiales isolées. Au-dessous un nom semble t-il complet, mentionne l’auteur du dessin « PIERRE BORI ».

Au dessus, au sixième rang, décalé sur la gauche, bien que recouvert d’une pellicule de champignons verdâtre un bloc de grandes longueurs laisse encore deviner la coque d’un bâtiment marchand et d’une grosse chaloupe. Les traits de ces bateaux sont enchevêtrés les uns dans les autres. A Gauche de la chaloupe se lit un nom gravé sur deux lignes « Gabriel Elher ». Plus loin et isolées, d’autres lettres sont inscrites dans la pierre. Le grand navire porte pavillons déployés à la proue et à la poupe. Des éléments de mâts, de voiles et de cordages sont encore visibles. Ces graffiti manquent de netteté et perde peu à peu les motifs qu’ils représentent.

La septième rangée de la même partie de mur, porte plusieurs indications manuscrites et une date. Au sommet du bloc se lit « IIɅNMASE » dans lequel il faut probablement voir le nom « Yan Mase ». Ce patronyme est associé à la date de 1706 inscrite juste au-dessous. Au bas de la pierre, un second nom gravé indique « JACQUE BUE ».

Enfin, la rangée du dessus, dévoile un magnifique voilier parfaitement bien conservé. Sa mâture est constituée du mât de beaupré sur lequel flotte un pavillon nu, au vent, d’un mât de misaine avec sa voile larguée et pavillon nu déployé, le grand mât toutes voiles gonflées et son pavillon uni étalé sous la brise et le mât d’artimon avec voile triangulaire et petit pavillon. Le pont est pourvu d’un château avant et arrière admirablement bien dessinés par l’artiste. Un étendard barré de diagonales décline ses couleurs. L’auteur de ce superbe graffiti a également reproduit minutieusement les cordages entre les mâts. La coque se découpe parfaitement sur les flots non dessinés et le gouvernail tout comme la proue, sont d’une grande précision de trait. Ce navire est remarquable de fraicheur.

La Fenêtre

Elle porte un grand nombre de gravures qui ont malheureusement perdues de leur netteté par les surcharges successives. Toutefois certains graffiti nous sont parvenus dans un assez bon état, nous permettant d’en retirer certaines observations intéressantes.

La première pierre de la troisième rangée possède la silhouette d’un grand voilier, tracé sommairement. Il montre un voilier doté de trois mâts aux voiles gonflées par le vent. Les détails de la mâture sont sobres et dépouillés. Un petit mât de beaupré, un pavillon strié de bandelettes, et quelques cordages apportent des éléments de décor à ce dessin de facture modeste. La coque du navire, qui semble être un bateau marchand car il est dépourvu de canons, est striée longitudinalement de pièces de bois entrant dans sa construction. Ce détail rehausse la simplicité du motif. Il est certain que ce croquis n’est pas du même auteur que celui décrit précédemment. A l’extérieur du dessin, au niveau de la proue, se voient des caractères incertains pouvant être des lettres ou des chiffres romains «VIL ». Un peu plus bas, au niveau de la coque, nous lisons nettement le nom de « SEZUENES ».

Sur la gauche de ce bâtiment naval, apparaissent deux triangulations et des traits verticaux qui sont probablement les vestiges de la voilure et des cordages, d’un autre navire effacé. A droite de ce graffiti, la pierre suivante est ornée d’un autre navire. Six mâts détachent leurs silhouettes sur la roche malgré la multitude de traits qui alourdissent la figure. Les voiles sont déployées, cordages et échelle de corde sont parfaitement visibles, un pavillon flotte au vent et le château arrière montre un navire puissant. Toutefois il ne possède pas de canons, c’est donc un navire marchand.

Il apparait un détail isolé et proche à la fois de ce bateau car les traits se croisent qui nous apparait comme le dessin d’une ancre accrochée à l’extrémité de son cordage. Elle est de forme triangulaire et pend presque horizontalement comme si elle reposait sur le fond de la mer, au repos. Un dernier motif, constitué d’un arc de cercle enchevêtré dans l’image d’un triangle rectangle et de quelques traits secondaires est peut6être un reste de traçage d’une figure géométrique laissée par un compagnon. La pierre suivante de ce groupe, n’a rien révélé.

Au quatrième rang, un bloc de grande longueur fournissait un terrain propice à un artiste en verve. L’un d’entre eux, exposa sans retenu son désir d’évasion en gravant un bateau qui occupe toute la surface du bloc. Son dessin montre un navire dont le tracé nous est parvenu incomplet. La coque est en partie absente, mâts, voilures et cordages sont pratiquement inexistants, seul apparait debout une silhouette humaine gravée à partir d’un petit cercle pointé renforçant l’aspect humanoïde. L’artiste a t’il souhaité matérialiser la présence d’un marin sur le pont lors de son observation à proximité de la tour, pourquoi pas ? Mais nous ne pouvons l’affirmer !

En complément de cette illustration, de nombreuses initiales et deux noms s’affichent sur le bloc. Les initiales « JM », « RP », « AL », « PL », un chiffre romain « VI » et les noms de « CARNIER », « PRIAN » et « JOUSSEAUME », nom communément rencontré dans la région sont encore lisibles sur la roche. S’agit-il de noms de tailleurs de pierre comme le laissent supposer la lettre A, formée de l’équerre et du compas, possible mais une nouvelle fois nous ne pouvons l’affirmer. A la droite de ce bloc, un petit bateau, une modeste barque de pêcheur semble t’il, a été dessinée. On distingue faiblement une voile triangulaire déployée. Ce frêle esquif est associé à quelques initiales et un nom incomplet. Les lettres « EA », « I », « E », « PR » gravées à toucher la voile, puis la lettre « B » tracée à l’extrémité de la barque achèvent l’observation. Le nom inscrit au-dessus dans un cartouche est peut6être une connaissance de l’artiste, il s’agit de « JEAN .SSE.. », mais il est en partie effacé.

La cinquième rangée est abondamment gravée. Les témoignages de compagnons occupent à une exception près la surface totale des blocs. Posée dans le retour d’angle du mur gauche de la fenêtre, le premier bloc est principalement gravé de lettres et de noms. Du haut vers le bas se lisent « PP » puis un « L » légèrement incliné vers l’arrière. Dessous un « A » association de l’équerre et du compas, et un « B » inversé à gauche. Puis ligne suivante, les lettres « DADB » et un petit « O » ou peut être un cercle minuscule placé au-dessus du « B ».

En dessous semble tracé un nom « DBODARD » précédé d’un « D » accolé au « B ». A la dernière ligne figure ce que nous supposons être un nom d’origine anglicane « MAC ». La pierre suivante occupe toute la rangée jusqu’à l’angle de la fenêtre. Les graffiti compagnonniques s’étalent sur les trois-quarts de la surface plane. Nous voyons le mot suivant « M.O. » dont la pointe inférieure gauche de la branche d’un pentagramme perce la circonférence de la lette « O » ou d’un cercle ? Sous la pointe de droite de cette figure, est gravé le nom et le prénom d’un compagnon « IACQUE: PEA ». Dans le prolongement de la lettre « I » se lit le sillage d’une flèche pointe en haut. La lettre « C » est également traversée par une flèche pointe vers le haut et enfin entre les lettres « E et P » est gravée une croix aux extrémités pointées de cupulettes. La hampe de cette petite croix traverse un triangle équilatéral, dessinant ainsi une flèche pointée vers le sommet de la tour. Au-dessus de ce motif, une date « 1711 » parait inscrite. Elle est suivie de la lettre « S ». Dessous, se devinent les lettres « IB ».

En bas et à gauche du bloc, est écrit « MAGL ». Sous le prénom Jacques en apparait un second à la gravure plus légère. En suivant, « EIr », puis plus loin de nouvelles marques, inscrite dans la coque d’un petit navire « APIA ». Suivent ensuite les caractères « B.MAIP ». Du bateau n’est tracée que la coque. Quelques traits verticaux laissent présumer le souvenir des mâts ainsi que de cordages. Il semble qu’un petit personnage encapuchonné se tient debout sur le pont de ce navire. Un pavillon flotte sur la proue, face au vent. Près de cette silhouette se lit le mot « MIETE » Un superbe pentagramme s’inscrit dans le tracé de l’étendard.

Au-dessous de ce groupe un superbe motif compagnonnique représente une croix dressée sur un socle triangulaire au sein duquel s’enchevêtre le développé d’un pentacle. Une petite croix se cache dans la base du triangle. Une grande croix exécutée au compas porte six cupules très nettement marquées aux extrémités, une autre à l’axe des branches et la dernière au sommet du triangle. Dans ce motif nous avons la représentation de l’équerre, du compas du fil à plomb, du niveau et de la corde. Sur la droite de ce dessin, un autre outil se distingue nettement. Il s’agit d’une équerre, surmonté d’une petite croix. A droite de ce groupe, plusieurs lettres « PLR » ont été gravées. Deux modestes croix touchent ces consonnes. Une petite figure, peut être un trapèze se mélange au tracé des lettres. Si l’on s’attarde à la lecture de la pierre, en prenant le temps d’observer attentivement le grain de la roche, le regard va extraire du flot de traits, une série de petits points exécutés avec un outil pointu, probablement une pointerolle qui une fois assemblés les uns aux autres par un trait imaginaire, donnent la vision d’un fer à cheval. Plus haut est dessiné de la même manière un triangle. Deux bateaux achèvent le décor de ce bloc. Quatre lettres « JMCA », de facture récente, copie de marque compagnonnique, coiffent ses navires. Seules les coques de ces esquifs sont dessinées. Ils ressemblent à deux grosses chaloupes. Les contours des safrans sont nets et bien esquissés.

A l’étage suivant, une seule pierre est marquée. Quelques initiales « AMDD » et un nom « BRETON » recouvrent la face. Dessous deux « XX » sans autres indications sont également gravées.

La septième rangée porte la vision atténuée d’un petit bateau. Ses dimensions modestes, la coque, un mât et de la voilure et des cordages indiquent qu’il s’agit probablement d’un navire faisant du cabotage autour de l’ile. Un nom s’étale sur deux lignes, en lettre d’imprimerie à sa gauche « FRANCOY » et « PENAVT ». L’encadrement droit de la fenêtre conserve un seul bloc orné de graffiti à caractère géométrique. Nous apercevons des signes triangulaires, des pointes de flèches, une lettre « R » et un grand compas.

La description de ce niveau renferme une foule d’enseignements et d’informations sur l’histoire de la construction de cet édifice, sur le trafic maritime et les bâtiments croisant dans les eaux de la Pointe des Baleines.

Le Troisième Etage

Bien que construite sur le même modèle que la pièce du niveau 2, cette salle a conservé sa cheminée. Dernier niveau habitable de la tour, il est également celui dont les graffiti s’étalent équitablement des deux côtés de la fenêtre.

La Fenêtre

A gauche de la fenêtre, le second bloc du quatrième rang est décoré d’une superbe croix dont la hauteur occupe toute la largeur de la pierre. Réalisée avec finesse, les traits sont fins et ont vraisemblablement été exécutés à la règle. Les bras sont ornés de cabochons ciselés. Le sommet et la base sont noyés dans un vestige d’enduit ancien qui empêche une bonne lecture. C’est le seul ornement de la rangée.

Le rang du dessus a une seule pierre gravée. A sa base, trois traits verticaux définissent peut être un comptage, puis quelques lettres assemblées mais incomplètes semblent s’adresser à un nom de personne « MEIG », suivi à l’écart de la lettre « B ». Au-dessus, isolé est inscrit un petit « C ». Au sommet de la roche se lit le nom d’un compagnon reconnaissable à la lettre A formée de l’équerre et du compas. Cet ouvrier se nommait « CHAIGNE ». Au centre du bloc s’expose un grand navire au tracé très effacé. On distingue néanmoins. La coque, des éléments de mâture, de cordages et de voile. La proue porte la lettre « P ». Est- ce un pavillon malformé ou un élément de décor, nous ne savons. Une petite croix se positionne juste au-dessus. La rangée suivante montre un graffiti moderne, sans aucun intérêt, qui est sans doute celui d’un prénom féminin, une certaine « KISSY ». Aucun autre graffiti n’a attiré notre attention sur ce côté de la paroi.

De l’autre côté, à droite de cette ouverture, un grand navire occupe la surface de la première pierre de la troisième rangée. La coque et son gouvernail, au trait léger, se profilent au-dessus du joint de chaux. Deux mâts entoilés voguent pavillons flottant au vent. Un mât de beaupré est visible et clôture les éléments de mâture de ce vaisseau marchand.

La rangée du dessus ne révèle que peu de chose. Deux traits sans signification et deux consonnes « VM » majuscule sont les seuls ornements de ce bloc.

Juste au-dessus, une longue roche porte les vestiges d’un navire ou seule la coque est distincte. Deux traits verticaux semblent appartenir à ses mâts. En divers endroits de la surface et à peine lisibles se devinent des lettres. Seules dans l’angle gauche, les lettres « D : D. » se détachent nettement. Deux autres « Pe » suivies des voyelles « OI » ou d’une trace de trait du bateau, terminent cette description.

La dernière rangée qui renferme un magnifique graffiti, détient le seul navire de guerre qui nous est parvenu. Il est frappant de réalité. Tout est détaillé avec la plus grande minutie.

Il ne manque que son nom. Ce graffiti est daté de 1671. Si le dessin a perdu un peu de sa netteté, il est d’un grand réalisme et rappelle que la marine de guerre croisait dans les eaux de la pointe des Baleines.

De la proue vers la poupe, la mâture est constituée d’un mât de beaupré au bout duquel flotte un pavillon chargé d’ondulations. Les vergues de misaines et la voilure du beaupré sont rattachées au mât de misaine portant un étendard. Sa toile est imperceptible. Le grand mât est chargé de haubans. La grande hune est matérialisée par un petit trait horizontal. Il semble que flotte un pavillon à son sommet

L’artiste a fait figurer les haubans de misaine et les grands haubans, tombant sur le pont. Vient ensuite, le mât d’artimon sur lequel s’accrochent la vergue d’artimon et sa voilure repliée. A la poupe ondoie une nouvelle bannière semblable à celui de la proue. Un détail frappe le regard. Tous les points de raccordement des drailles, haubans et drisses sont pointés. Tout comme les canons qui s’étalent sur deux lignes de feu. Le rang supérieur compte neuf bouches à feu et celui du dessous aligne huit canons. Ce navire armé pour la guerre comptait trente quatre canons.

La finesse de ce graffiti, ainsi que les détails des percements des points de raccordement des gréements et le positionnement des sabords où se cachent les batteries de feu, nous incitent à penser que ce graffiti est l’œuvre d’un compagnon.

La Plateforme de la Tour

Depuis le XVIIe siècle la plateforme de la Tour Vauban constituait un poste d’observation sur la mer de la plus haute importance en temps de guerre. Construit à la pointe extrême de l’ile, cette position haute de d’environ vingt et un mètre au-dessus du sol offrait un point de vue dégagé sur l’horizon. Les vigies postées à son sommet scrutaient le large et voyaient arriver de loin les navires amis ou ennemis. Trois siècles après, l’objectif souhaité par Vauban, de faire de l'île de Ré, un bastion avancé du port de La Rochelle, la tour recouvrera pour les mêmes raisons, une importance stratégique de premier ordre, sur l’échiquier militaire allemand.

L’aspect architectural du sommet de la tour évoquait à l’origine de sa construction, une couronne. La balustrade construite en parpaings repose dur des consoles ouvragées. Ce couronnement construit en encorbellement, est l’œuvre du sieur Augier. A l’origine, il avait donné à son ouvrage un aspect fortifié médiéval. Son crénelage était constitué de merlons qui furent par la suite reliés entre eux par des barres de fer, pour cause d’insécurité. En 1788, le Chevalier Isle préconisa de boucher cet espace.

Sur la plateforme se positionne la cheminée qui évacuait les fumées des étages. Ce conduit massif installé à proximité de la lanterne masquait une croisée et cachait aux navires qui croisaient en mer, une partie du feu.

Les hommes qui séjournèrent sur le sommet aux différentes époques historiques tuèrent le temps et occupèrent leurs longues veilles en inscrivant sur la roche calcaire leurs noms et autres symboles corporatifs.

En ce lieu particulier, il se dégage certaines sensations basées sur les faits historiques se rapportant aux constructeurs de la tour mais aussi à la dernière occupation militaire du site.

La sortie de la cage d’escalier sur la terrasse de la tour

Dans les dernières marches de l’escalier, un visage gravé sur la droite de la paroi garde l’accès menant sur le belvédère. Ce faciès est dessiné avec précision. La coupe de cheveux se démarque du front sur lequel se détachent les sourcils et les yeux. Il montre une seule oreille, celle de gauche, car la tête est légèrement orientée sur la droite. Le nez et la bouche sont à peine esquissés mais nettement visibles. Le bas du visage est profondément marqué. Il détaille une mâchoire carrée dégageant une impression d’un caractère volontaire.

Difficile d’attribuer à une catégorie d’occupant ce graffiti. Une certitude, ce n’est pas le fait d’un touriste de passage. De plus cette physionomie est à rapprocher de deux autres apparences rencontrées sur le bâti extérieur de la porte et sur l’ancien local de la lanterne. Il pourrait aussi bien être attribué à un soldat, qu’à un compagnon ou à un gardien.

A l’extérieur, immédiatement en sortant à droite du bâtiment de la cage d’escalier, un nouveau visage profondément incrusté dans le calcaire d’un bloc, attire le regard. Ce faciès parfaitement dessiné s’inscrit dans un cercle presque parfait. Tous les détails de sa physionomie sont précisés. Quel personnage se cache derrière cet anonymat, nous ne pouvons le définir ave précision. Peut être est-ce un compagnon à cause du cercle formant médaillon, mais cela ne peut rester qu’une supposition.

La Présence Compagnonnique

Les marques de tacherons que nous avons retrouvées s’aperçoivent en de multiples point de la terrasse. Certains se cantonnent sur le trottoir de la balustrade, d’autres sur le sol et quelques uns sur l’édifice octogonal de l’ancien fanal.

Sur la marche bordant la circonférence de la tour se rencontrent plusieurs noms dont un seul est encore lisibles « FRETON ». Nous avons lu également celui-ci, incomplet « DRUBEON ou DRUGEON ». Au-dessous, repose un patronyme indéchiffrable en dehors de deux ou trois lettre, suivi du prénom « PIERRE ». Sur un parement, une marque profondément incrustée, arbore un angle aigu qui exprime le compas. Le petit bâtiment octogonal, devenu local de service est recouvert de plusieurs initiales « LA », « LIM », « LM » et de prénoms d’individus « RENE », « DANIEL », « PIERRE », d’un visage anthropomorphe positionné en face de la cage d’escalier à l’est, de marques de tacherons reconnaissables par l’équerre et le compas.

Si ces graffiti n’apportent pas grand-chose de nouveau à la compréhension du site, il n’en est pas de même avec la physionomie générale de l’architecture. Le dessin du sieur Augier était probablement de donner à la tour une couronne dont la beauté est rehaussée par les délicates consoles qui la supportent. Le local octogonal, modeste structure de pierre qui renferme en lui toutes les figures de la quadrature du cercle, n’a probablement pas été édifié au hasard dans ce lieu ou la présence des compagnons imprègne fortement la pierre.

L’architecture du sommet de la Tour Vauban avec ses consoles et son crénelage d’origine, pourrait évoquer une couronne royale. Cette image emblématique symbolise l’autorité et le pouvoir du roi Louis XIV, hommage probablement souhaité par le sieur Augier qui l’a imaginée. Mais aussi et peut être parce qu’il appartenait au compagnonnage, lui ou ses compagnons ont vraisemblablement souhaité honorer le « Roi Salomon ». Nous avons souvent été confrontés, au cours de nos recherches, a côtoyer l’image du roi Salomon, magnifiquement esquissée par les hommes du Rite de Salomon. On peut voir les témoignages des compagnons à leur roi, sous la forme de graffiti à La Rochelle, Pons, Echebrune, etc.

« Kathy », station radar allemande de la Tour des Baleines

Nous avions évoqué dans notre description sur le rez-de-chaussée, le souvenir d’une batterie militaire sur la tour au cours du XVIIe siècle et trois siècles plus tard, au cours du XXe siècle, l’invasion allemande installera une nouvelle garnison de soldats.

A la déclaration de la Seconde Guerre Mondiale plusieurs postes d’artillerie français installés sur les côtes de l’ile protégeaient toute pénétration maritime vers les ports de La Rochelle. Le 29 juin 1940, les troupes allemandes débarquent sur l’ile et très vite l’envahisseur va construire des fortifications pour la surveillance du pertuis d’Antioche. Pour cela, l’ennemi va rétablir le chemin de fer, construire de nouvelles lignes pour desservir les chantiers de construction des blockhaus et autres ouvrages fortifiés. Le train s’arrêtait au pied du phare, devant les premières habitations.

Trente sept bastions d’artillerie appartenant à l’Organisation Todt s’inscrivent dans la construction du mur de l’Atlantique seront bâtis. Numérotés de 402 à 443, ils porteront tous des prénoms féminins. La station radar des Baleines recevra le prénom de « Kathy ». Leur mission était d’empêcher toute intrusion des forces alliées vers la base sous-marine du port de La Pallice, où stationnait la flottille des U-Boat allemand, les « Loups Gris » de la Kriegsmarine.

La position de la batterie du phare des Baleines comprendra un blockhaus, un contingent militaire de 24 hommes et deux radars « Seetakt » d’une portée de 120 km installés, l’un au sommet de la Tour Vauban, le second sur la dune, au–dessus de la fortification. Le rôle de cette station radioélectrique (2/3 Funkmess-Abteilung), consistait à surveiller le secteur maritime des Baleines et à émettre des messages optiques. Les soldats allemands qui étaient en faction sur le sommet de la tour, martelèrent leurs noms sur les plaques en cuivre scellées dans le parapet de la couronne de pierre.

En 1961, le réalisateur américain, Darryl Zanuck, tournera certaines scènes de son film,« Le Jour Le Plus Long », sur la plage des Conches qui s’étire au pied de la Tour des Baleines et de son phare, qu’il devra masquer au cours du tournage.

Il ne reste aujourd’hui que le bastion bétonné de la dune, qui nous rappelle le souvenir de cet épisode tragique de notre histoire et le nom de quelques soldats allemands qui occupèrent les lieux.

Sur les vingt quatre hommes de la garnison allemandes, nous avons pus identifier quatorze d’entre eux. Ils ont gravé leur nom ou initiales sur les plaquettes cuivrées du garde-fou à l’aide de leur baïonnette, par percussion. Deux soldats ont répété par deux fois cette opération. Seul, l’un d’entre eux « o SchaaF » a gravé son nom en rayant la plaque de cuivre avec sa baïonnette. Liste des quatorze soldats allemands qui ont gravé leur nom, au sortir de la cage d’escalier, en partant de la gauche, dans le sens des aiguilles d’une montre :

1- K – Friedrich 2- 19 AP – Grimberg – 43 3- We 4- N P.Stro 5- OTTO – Eisenheinsr – 18.5.42 6- Osehafex ? 7- WILLI LORENZ – 21.7.42 8- 1942 – A.Polhmann 9- Illisible 10- Des pointillés illisibles 11- PD/KF 12- Krefeld 13- S.Scanhen ou Scanher 14- H Reichenbachen ou Reichenbacher 15- H Buchman 21.7.42 16- LV 2894 17- A ROBE 18- Rien 19- oSchaaF ou e ou encore o SchaaF 20- ? illisible 21- W. Liorenz 22- A.P précédé d’un A de facture contemporaine 23- Illisible car martelé 24- P. Stro--

Plaques Retirées :

25- RM : H k 26- H . Buchmann 27- W ou M WIRCHEY ou LICHER 28- rien

Témoins d’un passé tumultueux, ces hommes qui remplacèrent les gardiens de phare, sont retombés dans l’oubli. Que sont-ils devenus, nous ne le savons ? Il est probable qu’ils surent apprécier le bruit incessant du ressac, loin de la rumeur des canons et de l’atrocité de la guerre.

La population de l’ile de Ré, à l’image de Vercors, résistant et auteur d’un magnifique ouvrage « Le Silence de la Mer », patienta silencieusement dans l’attente de sa « Libération » pour voir ses geôliers rendre définitivement les armes le 09 mai 1945.

EPILOGUE

Telle une sentinelle silencieuse, la Tour des Baleines veille au-delà des dunes, sur les flots de l’océan insondable du pertuis d’Antioche, lieu de drames où tant de malheurs ont endeuillé les familles de marins.

Dressée immobile, sur son banc de sable, des hommes d’un autre temps lui ont confié secrètement leur amour de leur métier et de leur science pour qu’elle témoigne de leur grandeur d’âme et de leur savoir-faire.

Fidèle à leur souvenir, elle a traversée les siècles mouvementés de notre histoire pour transmette son message de fidélité et apporté la preuve qu’au travers les excès et la folie des hommes, elle poursuit sa mission d’honorer ses « Bâtisseurs » d’un autre temps en érigeant fièrement sa silhouette, à leur mémoire, dans l’azur du ciel et le bleu des eaux de l’océan.

Les dernières restaurations et embellissements pour sauver le site, réalisés par les gestionnaires du site et leurs collaborateurs, M. Olivier Lebossé et M. Jean-Marie Chauvet d’Arcizas au sein de la société Patrimoine Océan et destinés à sauvegarder ce monument, pour l’éternité et le patrimoine mondial de l’humanité, sont un hommage à la gloire de ces artisans millénaires.

Dépositaires d’une maestria architecturale et technique issus d’une expérience immortelle, les hommes du compagnonnage ont franchit les barrières du temps, semblables à leur fille, fièrement dressée et imperturbable dans la tourmente des siècles.

A la fois « Tour Vauban », Tour des Baleines » ou symboliquement « Canne de Compagnon », la tour diffusa sa lumière aux marins et aux « Enfants de Salomon » sur les côtes du Tour de France.

A l’image des « Sauveteurs en Mer » de la SNSM, les gestionnaires et gardiens du site sont aujourd’hui les « Sauveteurs en Terre » d’un ouvrage sauvé de l’oubli et d’un lieu qui a retrouvé toute sa splendeur.



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