CHERONNAC (Haute-Vienne) - L'Eglise Saint-Sauveur et les pèlerins de Saint-Jacques
Date : Lundi 27 avril 2020 @ 18:50:28 :: Sujet : CHEMINS DE SAINT JACQUES DE COMPOSTELLE
CHERONNAC (Haute-Vienne)
Le Souterrain Refuge de l'Eglise Saint-Sauveur
Avant-Propos
Nos investigations en territoire limousin se sont déroulées entre les années 2009 et 2015. Durant ces sept années nous avons étudié plusieurs souterrains refuges, participé à un sondage archéologique du rempart et à la restauration du château de Lavauguyon, mené des recherches sur le thème du pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, étudié de nombreux mégalithes, mis en place de nombreuses expositions au presbytère des Salles Lavauguyon et donné plusieurs conférences dans ce même endroit ainsi que dans les communes de Chéronnac et Maisonnais sur Tardoire. Aujourd'hui nous conservons des liens étroit avec la commune des Salles-Lavauguyon qui subventionne nos recherches depuis de longues années.
L'Eglise Saint-Sauveur
Chef lieu de commune dans le canton de Rochechouart, Chéronnac est le berceau de la Charente car c'est ici que nos racines charentaises trouvent leur origine. Un mince filet d'eau qui jaillit à 316m d'altitude, donne naissance à notre fleuve charentais qui va se jeter dans l'Océan Atlantique entre Port-des-Barques et Fouras, par un large estuaire.
En l’an 818, le diacre Mathusalem, fit don à l’église de Saint-Étienne de Limoges de la chapelle de Carentenago qu’il avait construite et dédiée à Saint-Sauveur, et qui est
devenue l’église paroissiale. En 1262, le lieu est appelé Charempnhac. Chéronnac était une cure de l’ancien archiprêtré de Nontron, sous le patronage de Saint-Sauveur. la fête du patronage se tient le 6 août, et c'est également celle de la Nativité de la Sainte-Vierge.
L’évêque de Limoges y a nommé le curé en 1628, et 1637, mais ce droit de nomination appartenait au prieur des Salles, qui l’a exercé en 1556, 1557, 1628, 1643, 1691, 1748, 1785.
L’église de Chéronnac est bâtie sur une éminence qui était autrefois environnée de fossés,
et qui devait être à une époque reculée occupée par un château. Elle daterait du XIe siècle comme le souligne son portail. Elle possède une longue nef, encadrée de deux collatéraux-chapelles latérales, qui s'ouvrent sur la nef par de belles arcades ogivales. Le choeur est séparé de celle-ci par un arc triomphal surmonté d'une belle litre. La façade est percée d'un portail à trois voussures. Quatre rouleaux en arc brisés retombent sur des colonnettes par l'intermédiaire de chapiteaux à décors de coquilles Saint-Jacques, évoquant le passage des pèlerins en route vers Compostelle. A gauche du portail, parfaitement visible, un petit bloc de pierre porte quatre autres coquilles Saint-Jacques, finement sculptées. Chaque angle de ceux-ci est orné de tête de personnages de style XIIe siècle. Le clocher porte encore de nos jours des traces de fortifications, et sous l’église existe des souterrains taillés dans le tuf, dans lesquels on pénétrait par la sacristie. En fait il n'existe pas des souterrains comme on on le supposait mais un seul, constitué de trois galeries. La cloche porte une inscription en lettres gothiques, avec une date en chiffres arabes. L'épigraphe mentionne : « Jésus Maria…. ora pro nobis. 1579. Te Dum laudamus ». Le nom du saint qu’on invoque y est illisible.
La clé de la serrure compagnonnique du portail de Saint-Sauveur
La serrure en fer forgé du portail, de couleur noire, est un curieux mélange d'ornements et d'entrelacs végétaux associés à un diable cornu et légèrement en contrebas à droite à une tête de loup et une tête de chien. Cette iconographie de l’art médiéval du XIIIe siècle, est en rapport avec les métiers du compagnonnage. Le décor végétal ornant la plaque de cette serrure, semble rappeler la feuille du chêne. Le chêne est l'un des arbres présent dans la symbolique du compagnonnage. La feuille de chêne personnifie la force et la volonté. Elle est souvent associée à la feuille du laurier qui incarne la gloire. Le diable est un surnom qui fut longtemps attribué aux charpentiers. C'était également le nom du chariot à deux roues servant à transporter le bois indispensable à la construction, sur le chantier. On s'en sert encore de nos jours. Le chien ou chien noir désigne les compagnons forgerons et les maréchaux-ferrants du Devoir. Le loup est le surnom attribué aux Compagnons Tailleurs de pierre Etrangers, Enfants de Salomon. Comme nous pouvons le constater, le forgeron-serrurier qui a fabriqué cette serrure a honoré à travers son motif décoratif, les principales corporations qui intervenaient sur le chantier de l'église Saint-Sauveur. Les compagnons serruriers du Devoir étaient les Enfants de Maitre Jacques. Ils font remonter leur fondation en 570, après Jésus Christ. Malgré l'absence dans l'angle inférieur droit, amputé du motif végétal, cette serrure demeure un petit chef d'oeuvre de ferronnerie, qui mérite d'être protégé, car il a semble avoir déjà fait l'objet d'un acte qui pourrait être une tentative de pillage ou de vandalisme, comme le laisse supposer la cassure du décor.
Comme nous l'avons déjà précisé l'arc triomphal du choeur est surmonté d'une belle litre représentant deux anges tenant ce qui nous parait être une couronne de laurier chargée en son centre d'un masque sur fond de couleur ocre rouge, dévoilant un visage dont les traits du visage sont marqués de deux billettes ocre-rouge en pal dessinant les yeux, d'un croissant de lune esquissant le nez du même ton et à l'étage inférieur d'une troisième billette évoquant les contours d'une bouche, du même ocre-rouge. Au-dessus de l'ange peint à droite se cache un singe souriant, coiffé d'un couvre-chef excentrique à l'extrémité en tire bouchon, comme la queue des cochons, est-ce une satire à l'attention de l'occupant anglais comme nous l'avons reconnu dans l'iconographie de certaines églises charentaises et en d'autres lieux, c'est une hypothèse? Châlus conserve le souvenir du siège de son château par le roi d'Angleterre, Richard Coeur De Lion. La litre funéraire peinte à l'extérieur de l’église montre encore un écusson parti d’azur au chevron d’argent accompagné de trois roses de même qui est de la maison noble des Rousiers et de gueules au pal d’argent, accompagné de dix billettes de même mises en orle qui est de celle des Ferrières-Sauveboeuf. Mais cette litre soumise aux intempéries de la nature disparait peu à peu.
La sacristie, sert de musée liturgique à la commune et renferme de nombreuses tenus vestimentaires dans un état de parfaite conservation. Le presbytère quant à lui fut vendu à la Révolution, le 4 messidor an IV (22 juin 1796), comme propriété nationale, pour la somme de 1 976 livres. (Archives Haute-Vienne, Q 152).
En 1649 ce lieu appartenait toujours à Charles-Antoine de Ferrières, marquis de Sauveboeuf, un des héros de la Fronde, qui s’était emparé du Château-Trompette, à Bordeaux. Monsieur de Pompadour, lieutenant du roi en Limousin, fit abattre les forteresses qui étaient en l’église de Chéronnac ».
L'Hôpital : Parmi les hameau de la commune, il en est un en particulier qui fut le siège d'un établissement de soins. il se nomme : L'Hôpital, dénommé en d'autres temps Fougerac. C'était une préceptorie, appartenant au Grand Prieur d’Auvergne, en 1338. En 1479, elle est appelée de Cherennat. En 1617, elle était jointe, ainsi que celle de la Martinie, à Milhaguet, au commandeur de Bourganeuf à qui elle payait un setier de froment,deux de seigle et un d’avoine. Il n'est pas surprenant de trouver à peu de distance du bourg l'existence d'un tel hôpital. En effet, il semble en relation avec le pèlerinage jacquaire dont avons reconnu la présence dans l'ornementation du portail et sur le mur gauche de l'entrée. Il est probable que les pèlerins s'y arrêtaient pour recevoir des soins s'ils étaient souffrant.
Enfin pour achever notre propos, le presbytère de Chéronnac a été vendu comme propriété nationale, le 4 messidor an IV (22 juin 1796), pour la somme de 1 976 livres, (Archives Haute-Vienne, Q 152).
Etude du Site Archéologique et Texte de l'Article : Daniel BERNARDIN
Intervenants sur le site : Bernard RAMETTE - Steve RAMETTE - Christine BASSET - Jacqueline DUPUY - François PARATTE - Marie-Cécile PARATTE - Vincent DUPUY - Pierre DYPUY - Catherine CHAPT.
Références (bibliographie, archives, photos, photos IGN…)
Michel PROVOST - Carte Archéologique de La Gaule - La Haute-Vienne - 1993
Roger GARRY - Les Compagnons en France et en Europe - Tomes I–II - 1973
Franz RZIHA - Etude sur les Marques de Tailleurs de Pierre - 1993
André LECLERC - Dictionnaire Historique et Géographique de la Haute-Vienne - 1902-1909
Photos - Daniel BERNARDIN
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