PUYMOYEN Le Chemin des Rochers Voie Romaine Secondaire
Date : Mercredi 10 août 2011 @ 20:13:05 :: Sujet : ANTIQUITE
Le Chemin des Rochers
Préambule à la découverte
C'est au cours d'une journée d'initiation à l'archéologie, passée avec les élèves de l'école de Puymoyen en 2004, que les traces d'ornières avaient été remarquées en descendant le chemin qui nous menait vers la vallées, où coule le ruisseau des Eaux claires.
Conservé en l'état dans l'attente d'une étude plus approndie, l'occasion nous fut donnée au printemps 2006 de procéder à l'étude du chemin des Rochers. En effet la COMAGA désirant créer le "Chemin d'Interprétation de la Vallées des Eaux-Claires", le GRAHT fut invité à participer à l'opération. Avec l'accord de Monsieur Méroni, le soutien des élus de Puymoyen et l'accord du SRA (Service Régional de l'Archéologie) Poitou-Charentes, le GRAHT commença la fouille archéologique du site.
Nos efforts se portèrent sur une portion de chemin, longue de 30 mètres. Les travaux commencèrent début mai et se poursuivirent jusqu'à début septembre. C'est ainsi que commença cette aventure qui allait nous faire découvrir une des plus belle voies romaines secondaires à ornières du Poitou-Charentes, dont l'équivalent est visible à Touvent dans la banlieu de Pons en Charente-Maritime.
L'équipe du GRAHT qui participa à cette découverte était constituée des membres ci-dessous:
Daniel Bernardin, Responsable de l'opération archéologique,
Bernard Ramette, Fabien Truffandier, Steve Ramette, Amandine Ramette, François Rousseau, Christine Rousseau, Eric Delmas, Mannaïck Laurent, Cassandra Grégori, Nathalie Jousseaume, Alain Mincet, Bernard Fabre, Jean-François Lamonerie, Claude Brège, Alain Texier, Jean-Marie Texier, Michel Chauvin.
Le Chemin des Rochers
Une Voie Romaine Secondaire de l’Antiquité à nos jours
Situation :
Le Chemin des Rochers à Puymoyen trouve son origine dans le bourg, au sud de l’église Saint-Vincent. Recouvert de bitume dans sa première partie, il devient un sentier balisé qui descend vers la pittoresque vallée de la rivière « Les Eaux Claires », haut lieu de la préhistoire charentaise et riche de son passé historique.
Dès les âges les plus reculés, l’homme comprit l’intérêt qu’il avait à s’installer en ce lieu pour sa survie. L’homme de Néanderthal occupa les grottes qui se cachent dans les falaises calcaires et surplombent les deux berges de cet affluent de la Charente. Plus tard il saisit l’intérêt stratégique du lieu. Il fortifia les falaises, certains abris et grottes.
A l’époque gallo-romaine, la vallée fertile attira les colons qui édifièrent plusieurs villae dans la plaine et sur les hauteurs du plateau. Des fragments de céramique ornés attestent une occupation entre l’an 75 et l’an 150 de notre ère.
L’Exploitation des Carrières :
Au Moyen Age, les barrières rocheuses devinrent des centres d’extraction importants. La construction, de la cathédrale Saint-Pierre d’Angoulême, des Abbayes de Saint-Cybard et La Couronne et des églises de la région, demandait une grande quantité de matériaux. De nombreuses carrières à ciel ouvert et souterraines seront exploitées à Puymoyen.
Le Chemin des Rochers, unique accès desservant le bas de la vallée au plateau menant au bourg de Puymoyen, puis vers Angoulême, vit transiter chariots et charrettes chargés de blocs en direction des grands chantiers de constructions. Un fait important est à signaler, le chemin desservait directement le chantier de l’église Saint-Vincent de Puymoyen, au XIIe siècle. Une main-d’oeuvre, souvent issue du compagnonnage travaillait sur les sites d’extraction, comme le prouvent les nombreux signes de tacherons relevés dans les carrières ou les grottes.
Sans pouvoir l’affirmer nous pensons que les carrières peuvent avoir déjà été exploitées à l’époque romaine.
La Voie Antique et son Plan de Circulation :
Les premiers repérages intervenus sur le chemin des Rochers eurent lieu en 2003, au cours d’une journée récréative sur l’archéologie avec les élèves de l’école de la commune. Plusieurs traces de roues repérables sur la roche présentaient un réel intérêt. Un projet de valorisation de la vallée des Eaux- Claires, scientifique et culturel, mis en place par la Communauté d’Agglomération du Grand Angoulême (COMAGA), déclencha l’opération archéologique.
Convaincus que le chemin était d’époque médiévale, datant au moins du XIIe siècle, nous avons commencé à dégager les abords. Un débroussaillage permit de reconnaître l’emprise du chemin et ses bas-côtés. Un décapage général de surface fit bientôt apparaître des indices intéressants se rapportant à la construction de la voie. Les bas-côtés montraient des aménagements qui se caractérisaient par un élargissement de la voie par l'homme. A l’ouest, la roche de la muraille rocheuse avait été débitée verticalement pour accroître le plan de circulation. Le sol avait été aplani et les inégalités de la chaussée colmatées. A l’est, la limite de la chaussée était matérialisée par un muret soutenant un terre-plein boisé. Ce muret en construction vernaculaire repose certainement sur le fossé bordant la voie romaine. Il est probable que les déblais provenant du creusement constituent le sol de cette plate forme boisée.
Après décapage de la chaussée, les premiers éléments archéologiques d’époque Antique, apparurent. Dans les terres de déblais, de nombreux fragments de pavés et de tegulae entrant dans la composition de la fondation de la chaussée à l’est, seront ramassés. Pour compenser la déficience du socle rocheux, côté est, les terrassiers romains durent consolider sa bordure et combler le dénivellement existant avec ces matériaux de récupération. Une fois complètement dégagée, le plan de circulation se dévoila dans son ensemble. Un réseau naturel et complexe de traces et d’ornières de roulement, striait longitudinalement les 30m de voie qui s’étiraient selon un axe nord-sud. Ce plan de circulation datant de l’époque gallo-romaine fit l’objet d’aménagements, de comblements et de transformation au cours du temps.
Un schéma directionnel dévoilait son entrelacs d’ornières qui se rapportait à :
- Des traces d’époque contemporaine,
- Des transformations et aménagements aux époques,
médiévale et moderne,
- Des ornières antiques.
Un relevé de nivellement exécuté en cours de fouilles, montre un profil de la voie en courbe, avec un dénivelé de 49m, sur une distance de 823m, soit une déclivité de 5,95cm/m..
Selon les circonstances géologiques liées à la nature du sol, l'usure du plan de ciculation plane à son origine, montrera que les profils et l'usure des ornières varieront au cours des époques, selon la nature des moyens de transport ayant transités par le Chemin des Rochers.
Les traces contemporaines.
Ce sont les premières traces de roulement que nous avons aperçues. Larges, entre 30cm et 50cm et profondes, elles sont dues à l’usure de la roche suite aux passages successifs. Ces largeurs s’expliquent par les glissements répétés des essieux sur une dérive transversale, conséquence des balancements des véhicules. La profondeur de l’érosion de la roche se situe entre 2,5cm et 8cm compte tenu du léger dévers. C’est à cette dernière période récente que remonte la fin de l’exploitation des carrières de Puymoyen, en 1946.
Les transformations et aménagements aux époques, médiévale et moderne.
Au Moyen Age, le matériel de transport se modernise et la chaussée se transforme. L’ornière centrale datant de l'époque gallo-romaine est colmatée et l’ornière Est, sera rechargée en surface à l’aide de matériaux lourds, dont certains proviennent du socle rocheux, empruntés en un autre lieu du tracé de la voie et que nous n’avons pu retrouver.
En plusieurs points de la fouille, les deux ornières antiques se dédoublent à l’époque médiévale à un niveau supérieur. L'érosion du socle se déplace. Plus loin l’ornière centrale est comblée à l’aide de moellons calibrés posés dans la gorge du sillon de roulement. Ce colmatage médiéval répond à des soucis d’ordres techniques liés à une amélioration du sol de la chaussée qui s’est probablement dégradé et à un problème matériel affectant les organes de roulement des moyens de transport, plus large à cette époque.
Les Ornières Antiques :
L’Antiquité de la chaussée se manifeste sous plusieurs aspects selon que l’on se trouve sur le socle rocheux ou sa bordure Est. Côté Nord, le plateau calcaire se désagrège et s’est creusé de deux ornières. Plus bas, le maître d’œuvre romain à dû concevoir entièrement une assise artificielle plane devant rattraper le niveau de roulement pour palier à la défaillance du socle rocheux absent.
L’ornière Médiane ou centrale : Elle est le fruit d'une détérioration longue et lente du plateau. Large dans sa première partie nord, son profil se rétréci en descendant vers le sud. A mi-parcours l’ornière, creusée par l'usure, retrouve un profil creusé en U dans le rocher. Les profondeurs du canal varient entre 8cm et 17cm. Les largeurs diffèrent selon les points et varient entre 13cm et 40cm. Elles sont tributaires du phénomène de frottement et de dédoublement qui s’y rattache.
L’ornière Est : Son aspect se transforme en fonction de la qualité de la roche calcaire du sol ou l’absence du socle rocheux. La découverte côté Nord, du tracé de l’ornière en U, déclencha la procédure de sondage archéologique. Cette usure fut provoquée par le passage régulier des roues dans la gorge de l’ornière. Ce creusement progressif servit probablement à maintenir les attelages dans ce guide naturel. Il protégeait ainsi les chargements de tout risque de chute et évitait les ripages dangereux, durant la montée vers le sommet du plateau, dans la courbe du chemin. Il permettait de mieux aborder la rampe menant vers le bourg et soulageait les bêtes dans leur effort, c'est une hypothèse à retenir.
A l’époque romaine, les charrois ne possédaient pas de train mobile. Les roues à bandage, frettées à chaud n’existaient pas. Elles étaient en bois, protégées uniquement par des plaques clouées, en bronze ou en fer. Les sabots des équidés étaient protégés de façon rudimentaire par les hypposandales. L’attelage en ligne était techniquement impossible. Le collier des animaux prenant appui sur la gorge, comprimait leur système respiratoire et limitait la traction des charrettes. A la fin du Xe siècle, à l’avènement des capétiens (Hugues Capet 987-996), l’attelage moderne fait porter la traction sur les épaules. En complément de ce collier d’épaules on va procéder au ferrage à clous des sabots des bêtes. Ces nouveautés faciliteront la progression des animaux et permettront de tirer des charges plus lourdes.
A partir du second tiers de la voie, le socle rocheux se dégrade. Il faut construire une chaussée parallèle venant buter contre la plateforme routière. Un soubassement d’environ 25cm d’épaisseur et large de 1m va constituer le radier de la voie. Assuré au moyen de moellons irréguliers mélangés à de la pierre et de la terre, cette semelle va s’étirer sur près de 10m. Dans le dernier tiers, le radier change à nouveau de physionomie sur environ 20m de long. Il fait place à une semelle empierrée, constituée d’un cailloutis de petit calibre avec incorporation de fragments de pavés et de tegulae. La composition du revêtement interne de la chaussée fabriquée, prend une importance primordiale. Le conduit est renforcé sur les côtés par des blocs réguliers, calibrés et alignés les uns à la suite des autres. Le lit de l’ornière, conséquence de l'usure des passages permanent des charriots, montre également un tapis de pierres, au calibrage inégal. Le tout est lié dans un mortier de chaux constitué d’un agglomérat de pierraille calcaire et de tuiles concassées. Nous avons pareillement relevé la présence d’une certaine quantité de coquilles d’huîtres. Nous pensons qu’après leur broyage elles ont pu entrer dans la composition du mortier.
Conclusion :
Malgré un apport de données scientifiques intéressant, nous ne pouvons dater précisément la voie romaine du Chemin des Rochers à Puymoyen, faute d’un mobilier suffisant. Dans l’immédiat la seule hypothèse de datation que nous émettrons sans l’affirmer est une période qui pourrait être contemporaine de l’élévation de la cité d’Angoulême au statut de Civitas, soit la fin du IIIe et le début du IVe siècle de notre ère.
(Le Responsable du sondage archéologique : Daniel BERNARDIN)
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Jacques TARDIEU – Nathalie JOUSSEAUME
Cindy BRETHONNET – Delphine JOUSSEAUME
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La Font Chauvin
Daniel BERNARDIN – Emmanuelle FAURE-GIGNOUX
Alain TEXIER – Bernard FABRE
Emmanuel CAZE – Alain MINCET
Bernard RAMETTE – Jean-Marie TEXIER
Eric DELMAS – Marion GOUMAIN
Laure CHARRETON – Floriane LAVERAT
Robert GRIMAUD – Jean-François LAMONERIE
Eric VEUILLE – Amandine RAMETTE
Steve RAMETTE –Matthieu MOUNIER
Christine BERNARDIN – Bruno LAUDET
Michel CHAUVIN – Nathalie TEXIER
Jean-Marie TEXIER – Nathalie JOUSEAUME
Cindy BRETHONNET – Jean BEN AOMAR
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